La résidence des fiducies étrangères modifiée

8 juin 2012

Le 12 avril dernier, la Cour Suprême du Canada rendait un arrêt important en matière de résidence des fiducies. Bien des contribuables se plaignaient de voir sommes colossales échapper au fisc canadien.

Le problème vient du fait que la notion de résidence d’un particulier – une fiducie est un particulier aux fins fiscales – n’est pas définie dans la Loi, à l’exception de quelques situations. On doit donc s’en remettre à la résidence de fait dont les critères ont été établis au fil des années par les tribunaux.

Comme une fiducie n’est qu’une fiction fiscale, sa résidence était considérée, depuis l’affaire Thibodeau en 1978, comme le lieu où résidaient la majorité de ses fiduciaires, ses administrateurs. La résidence des fiducies était donc une notion de faits (la résidence des fiduciaires) et une question de droit (désignation des fiduciaires dans l’acte de fiducie).

Or, plusieurs fiducies ont été constituées avec des fiduciaires étrangers ne fournissant que des services administratifs et qui obéissaient aveuglément aux instructions données par les bénéficiaires qui eux, résidaient au Canada. De cette façon, ces fiducies étaient considérées des fiducies étrangères car les fiduciaires de droit étaient des non-résidents canadiens.

Le récent arrêt de la Cour Suprême dans Fundy Settlement vient confirmer une décision de la cour d’appel fédérale qui dictait de nouvelles règles de résidence. Ces règles s’apparentent à celles que l’on applique dans le cas des sociétés qui ne sont pas incorporées au Canada. On parle ici de la notion de central management and control, c’est-à-dire le centre de gestion et de contrôle. Ce qui déterminera dorénavant la résidence d’une fiducie, c’est l’endroit où se prennent les « vraies » décisions et non un endroit où des pantins ne font qu’exécuter les ordres.

Afin d’appuyer son raisonnement, la Cour a fait ressortir les similitudes entre une société et une fiducie, même si cette dernière est un particulier aux fins fiscales. Ces similitudes sont les suivantes :

  • Gestion d’éléments d’actif;
  • Acquisition et disposition d'éléments d'actif;
  • Gestion d'une entreprise dans certains cas;
  • Prise d'arrangements bancaires et financiers;
  • Besoin possible des instructions ou conseils  de professionnels (avocats, comptables et d'autres);
  • Répartition des revenus, les sociétés par le biais de dividendes et les fiducies par le biais d'attributions. 

 

Ce jugement aura une incidence tant sur les fiducies résidentes que les non résidentes. En effet, une fiducie anciennement non résidente, dû à la résidence de ses fiduciaires, pourrait devenir résidente mais une fiducie anciennement résidente, quant à elle, pourrait devenir non résidente avec ces nouveaux critères.

Cela signifie-t-il qu’il est impossible que les fiducies dont les bénéficiaires canadiens, impliqués dans la gestion, sont vouées à devenir des résidentes canadiennes? Pas forcément. Les fiscalistes devront cependant faire preuve d’une grande prudence dans l’élaboration des procédures s’ils veulent être certains que la fiducie soit considérée étrangère. Ils devront notamment s’assurer que la fiducie tienne toutes les réunions des fiduciaires à l’endroit désiré avec preuves à l’appui et que les bénéficiaires ne prennent pas  les décisions de gestion mais peuvent, tout au plus, donner des suggestions... La ligne peut être mince mais elle devra être respectée.