La valeur marchande d'une assurance-vie et une application intéressante

20 février 2012

Depuis quelques années, une stratégie a vu le jour et elle ne cesse de gagner en popularité. Il s’agit du transfert d’une police d’assurance vie à la société détenue par le titulaire de la police. Comme on le sait, lorsqu’un actionnaire détient une police d’assurance vie, il est préférable que les primes soient payées par la société. Un avantage pour le futur est donc généré. Mais il y a plus…

Au moment du transfert, si la juste valeur marchande (JVM) de la police est supérieure à sa valeur de rachat (VR), des fonds pourront être sortis de la société sans impôt grâce au paragraphe 148(7) de la Loi de l’impôt sur le revenu qui indique que lorsqu’une police d’assurance vie est transférée à une personne ayant un lien de dépendance avec le titulaire, c’est la valeur de rachat qui constitue le produit de disposition et non sa JVM.

Par exemple, si un actionnaire détient une police vie entière dont la VR est de 60 000 $, sa JVM de 80 000 $ et son coût de base rajusté (CBR) de 45 000 $. La société paiera à l’actionnaire 80 000 $, soit la JVM de la police. Cependant, aux fins fiscales, c’est la différence entre la VR et le CBR qui constituera le revenu imposable de l’actionnaire. Comme la VR est de 60 000 $ et le CBR de 45 000 $, il en résulte un revenu imposable de 15 000 $ pour l’actionnaire. Si son taux d’imposition est de 48 %, il ne paiera que 7 200 $ d’impôt pour avoir sorti 80 000 $ de sa société. Pas mal… mais encore mieux avec une police sans valeur de rachat.

Plusieurs conseillers savent déjà cela. Mais attention. Ceci n’est pas une formule magique. En effet, il y a quelques éléments à considérer avant de procéder au transfert.

Premièrement, la JVM de la police doit être évaluée par un actuaire. On voit des horreurs à l’occasion à ce chapitre car des « évaluations » sont faites par des personnes non qualifiées et ces horreurs pourraient résulter en une facture fiscale élevée pour l’actionnaire. Des honoraires actuariels sont donc à prévoir.

La valeur marchande est définie, selon la méthode actuarielle, comme l’actualisation de la différence de primes entre celle du contrat faisant l’objet du transfert et celle d’une nouvelle police qui serait souscrite sur la tête d’un individu ayant les mêmes caractéristiques. Par conséquent, le seul passage du temps peut faire gagner de la valeur à une police. Par exemple, si un individu a souscrit une police il y a 20 ans et qu’aujourd’hui, il en coûterait 200 $ par mois de plus pour une police semblable, la JVM est l’actualisation, au taux utilisé par l’actuaire, de ces 200 $ jusqu’à la fin de la vie de l’individu selon une table de mortalité d’assurance sélecte.

S’il s’agit d’une police temporaire 10 ans ou 20 ans et que l’assuré est en bonne santé, il est fort possible que la valeur marchande soit très faible, voire nulle. Si, par contre, l’assuré est en mauvaise santé, un privilège de conversion donnera une valeur à la police. De plus, une évaluation par un spécialiste en sélection médicale doit être faite afin d’ajuster la table de mortalité utilisée. La JVM sera supérieure à cause de l’état de santé mais le facteur d’actualisation sera inférieur étant donné cet ajustement. On comprend ainsi pourquoi on a besoin d’un actuaire…

Deuxièmement, le CBR de l’acquéreur (la société), est égal au produit de disposition réputé, la valeur de rachat. Cet élément a généralement peu d’impact mais il peut être important de le considérer dans quelques cas.

S’il s’agit d’une police « vie entière » et que l’assuré est en mauvaise santé, on pense faire un bon coup en transférant la police. Mais si l’assuré décédait peu après le transfert, ce n’est pas tout le capital décès qui serait payable libre d’impôt, via le compte de dividendes en capital (CDC), mais bien l’excédent du capital décès sur le CBR. La portion CBR devrait être versée aux survivants par l’entremise d’un dividende imposable.

En reprenant notre exemple précédent, si le capital décès était de 200 000 $, le décès de l’assuré générerait un CDC, soit un dividende libre d’impôt, de 140 000 $, soit 200 000 $ moins le CBR de 60 000 $. Le survivant devrait donc payer un impôt allant jusqu’à 21 810 $ pour récupérer les 60 000 $ ne pouvant être versés par le CDC. Moins attrayant… surtout si l’on considère les honoraires en plus.

Rappelons que le CBR se calcule comme la somme des primes versées – avec quelques ajustements – moins le « coût net d’assurance pure », le CNAP. Or, si la police transférée est encore dans la période où la prime (nivelée) est inférieure au CNAP, le CBR augmentera à chaque année avant d’atteindre un maximum et de diminuer par la suite. Il peut ainsi prendre plusieurs années avant que le CBR soit ramené à zéro.

Finalement, il faut éviter que le transfert soit « réversible », c’est-à-dire qu’un transfert ultérieur ne soit requis, par exemple lors de la vente de la société, le cas échéant. Dans ce cas, l’actionnaire doit verser à la société la JVM de la police sous peine d’être frappé d’un avantage imposable égal à cette JVM. S’il fallait qu’il soit en mauvaise santé lors de ce transfert… Il est donc toujours conseillé de ne pas effectuer de transfert dans une société qui sera éventuellement vendue à une tierce partie.

Vous pouvez consulter votre humble serviteur qui peut vous faire un forfait complet incluant notamment un avis fiscal et une estimation de la JVM avant de procéder.