INCORPORATION DES PROFESSIONNELS

Plusieurs ordres professionnels accordent maintenant le droit à leurs membres d'exercer leurs activités professionnelles en société. La Loi modifiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives concernant l’exercice des activités professionnelles au sein d’une société (Projet de loi nᵒ 169) a été sanctionnée le 21 juin 2001.

Cette loi autorise un ordre professionnel, en vertu d'un règlement qu'il adopte, à permettre que ses membres exercent leurs activités professionnelles par le biais d’une société en nom collectif à responsabilité limitée (S.E.N.C.R.L.) ou d’une société par actions (S.P.A.). De plus, un ordre a le pouvoir de déterminer les conditions, les modalités et les restrictions, le cas échéant, de l'exercice de ces activités.

La constitution d'une société ne soustraie pas les membres d'un ordre professionnel à leur obligation de maintenir une garantie contre leur responsabilité professionnelle telle que définie par cet ordre. Cette garantie doit être détenue au nom de la société.

De plus, le règlement de certains ordres professionnels permet à l'ensemble des professionnels visés par le Code des professions de se regrouper alors que d’autres n’autorisent que des professionnels du même ordre professionnel à se regrouper

Des règles spécifiques ont trait à l'exercice des activités professionnelles des membres selon qu'ils exercent ces activités au sein d'une S.E.N.C.R.L. ou d'une S.P.A.

Voici la liste des ordres professionnels qui ont adopté un règlement permettant à leurs membres de se prévaloir de ce nouveau droit ainsi que la date d'entrée en vigueur de leur règlement :




Deux nouveaux types de société

La loi adoptée en 2001 permet aux membres d'ordres professionnels de pratiquer leurs activités professionnelles au sein d'une « Société en nom collectif à responsabilité limitée » (S.E.N.C.R.L.) ou au sein d'une « Société par actions » (S.P.A.).

Ces deux types de société possèdent leurs caractéristiques propres qui peuvent générer des impacts très différents au niveau légal et, plus spécifiquement, au niveau fiscal.




Société en nom collectif à responsabilité limitée (S.E.N.C.R.L.)

Une S.E.N.C.R.L. est d'abord une « société en nom collectif » (S.E.N.C.) possédant certaines caractéristiques avantageuses par rapport à une S.E.N.C. conventionnelle. Notons que, contrairement à la S.E.N.C., la notion de S.E.N.C.R.L. n'apparaît que dans le Code des professions et non dans le Code civil du Québec.

Une S.E.N.C. est, avec la « société en commandite » et la « société en participation », l'un des types de « société de personnes », terme surtout utilisé dans le jargon fiscal.

Les « propriétaires » d'une S.E.N.C. sont appelés des « associés ». Afin de créer un S.E.N.C., il faut au moins deux personnes qui concluent un contrat de société.

Le Code civil du Québec stipule ce qui suit :

« Le contrat de société est celui par lequel les parties conviennent, dans un esprit de collaboration, d'exercer une activité, incluant celle d'exploiter une entreprise, d'y contribuer par la mise en commun de biens, de connaissances ou d'activités et de partager entre elles les bénéfices pécuniaires qui en résultent. »

Il doit donc y avoir intention commune de partager les revenus et les charges de la part des associés d'une société de personnes. Ce partage peut être fonction de l'apport de chacun dans la société, que ce soit en termes pécuniaires ou autres.

La particularité légale des sociétés de personnes est qu'elles constituent une espèce d'hybride entre une personne distincte et une entité complètement fusionnée à ses associés. En effet, bien qu'elle existe en vertu du Code civil du Québec et qu'elle ait des droits et obligations, la société de personnes n'est pas une personne au sens fiscal du terme, elle ne paie donc pas d'impôt.

La société de personnes tient une comptabilité distincte avec des revenus et dépenses mais les bénéfices ainsi générés sont redistribués à ses associés qui les incluent dans leur propre déclaration de revenus. Les revenus générés à l'intérieur d'une S.E.N.C. conservent donc leur nature.

Alors que dans une S.E.N.C. conventionnelle la responsabilité des associés est solidaire, tant pour les fautes professionnelles que les autre fautes, ce n'est pas le cas pour la responsabilité professionnelle des associés d'une S.E.N.C.R.L. où seul les fautes professionnelles commises par un professionnel où par une personne qu'il contrôle ou supervise lui sont imputables.

Cela signifie que le membre d'un ordre professionnel oeuvrant au sein d'une S.E.N.C.R.L. n'est pas responsable des fautes professionnelles d'un autre associé de la société. La société, quant à elle, est responsable des fautes commises en regard de ses obligations engagées par ses associés ainsi que par son personnel.

Cependant, comme dans le cas d'une S.E.N.C. conventionnelle, un professionnel est toujours responsable des fautes non professionnelles commises par les autres associés. Ces fautes peuvent être notamment de nature administrative. Le cas échéant, un professionnel peut voir un jugement exécuté sur ses biens personnels dans la mesure où les biens de la société ne sont pas suffisants pour réparer la faute.

Pour ceux qui auraient décidé dans le passé, d'exploiter leur entreprise par le biais d'une S.E.N.C., il y a possibilité de reconduire cette dernière en une S.E.N.C.R.L.

Société par actions (S.P.A.)

Souvent appelée « compagnie » dans le langage courant, une S.P.A. est une personne morale, c'est-à-dire une entité jouissant d'une personnalité juridique avec tous les droits et obligations que cela implique, mis à part ceux reliés aux attributs humains des personnes physiques.

Une société par action paie donc ses propres impôts sur les bénéfices que ses entreprises génèrent et elle peut poursuivre et être poursuivie en justice. Les propriétaires d'une S.P.A. sont des actionnaires, c'est à dire des personnes (physiques ou morales) détenant des actions de la société. Des actions sont émises au moment de la constitution de la société (sa « naissance ») et peuvent l'être par la suite selon ses statuts, c'est-à-dire les documents stipulant l'ensemble de ses caractéristiques.

Sauf en cas d'abus ou de fraude notamment, l'actionnaire d'une société par actions n'est financièrement responsable des décisions prises et des actes posés par la société que dans la mesure de sa mise de fonds, soit le montant investi dans la société pour l'acquisition d'actions de celle-ci. On parle ainsi du « voile corporatif ».

De façon générale, les administrateurs d'une société par actions ne peuvent être personnellement poursuivis par des tiers pour des actes posés dans l'exercice de leurs fonctions, s'ils ont agi dans les limites de leurs pouvoirs. Cependant, les professionnels exploitant leur entreprise au sein d'une S.P.A. sont, quant à eux, tenus personnellement responsables des fautes professionnelles commises par eux-mêmes ou par des personnes sous leur supervision ou leur contrôle.

Au Québec, une S.P.A. peut être constituée en vertu de la législation fédérale, la Loi canadienne sur les sociétés par actions, ou encore en vertu de la législation québécoise, la Loi sur les sociétés par actions du Québec, en vigueur depuis le 14 février 2011. Des différences techniques, à analyser avec un juriste, devraient orienter le choix du professionnel à l'égard de la législation à privilégier pour l'incorporation.

Les bénéfices d'une S.P.A., après impôts corporatifs, sont distribués sous forme de « dividendes » à son ou ses actionnaires. Dans un souci d'intégration, comme ces bénéfices ont déjà fait l'objet d'une première imposition, le taux d'imposition des dividendes est inférieur à celui de revenus réguliers.

Ce principe d'intégration fait en sorte que l'impôt total payé par la société et par son actionnaire sur le bénéfice de la société, une fois entièrement distribué à l'actionnaire, est pratiquement le même que si le bénéfice avait été réalisé par l'actionnaire lui-même, comme travailleur autonome, sans la présence d'une société.