COTISER À SON REER OU PAYER SES DETTES ?

Pour plusieurs personnes, dont des conseillers financiers, ce choix n’est pas clair. Le problème vient du fait qu’il existe des légendes urbaines reliées à cette situation.

La règle arithmétique est simple même si le futur est incertain. De plus, il y a un aspect psychologique dont il faut tenir compte, ce qui s’insère assez mal dans une formule…

Avec la croissance de l’endettement qu’ont connu les consommateurs canadiens au cours des dernières années, il est de mise de se questionner par rapport aux gestes à poser en matière d’épargne pour la retraite.

Les variables qui me viennent en tête et dont il faut tenir compte dans ce contexte sont les suivantes :

  • Taux d’intérêt des emprunts et taux de rendement des REER
  • Besoins de liquidités
  • Aversion à l’endettement
  • Discipline

Si tous les paramètres étaient égaux, il n’y aurait aucun avantage à payer ses dettes ou à cotiser à son REER.

Autrement dit, si le taux d’intérêt de l’emprunt était égal au taux de rendement du REER, si les besoins de liquidités n’avaient pas d’impact et qu’un individu discipliné était indifférent à l’idée de payer ses dettes ou cotiser à son REER, peu importe ce que ce dernier ferait, il « changerait quat’ trente sous pour une piasse ». Cependant, à moins d’un hasard extraordinaire, ces variables ne sont pas égales.

Regardons maintenant l’influence de ces variables sur les gestes à poser.

Taux d’intérêt des emprunts et taux de rendement des REER

Toutes autres choses étant égales par ailleurs, si le taux d’intérêt sur la dette est supérieur au taux de rendement que réalisera le REER pendant la durée de l’emprunt, on privilégiera le remboursement de la dette avant toute cotisation REER.

Le problème, c’est qu’on ne connaît pas exactement le rendement que réalisera le REER pendant la durée du prêt. Comme des rendements garantis sont faibles (généralement plus faibles que les taux d’intérêt sur les emprunts), on « prend une chance » si on privilégie le REER car son rendement ne sera pas garanti et il peut aussi bien nous mener à un appauvrissement.

Qu’en est-il d’une cotisation au REER suivie d’un remboursement d’un emprunt avec le retour d’impôt éventuel? Certainement pas optimal. C’est la seule certitude. Si le REER génère un rendement plus élevé, le retour d’impôt devrait lui aussi être investi dans le REER. Si le taux d’intérêt du prêt est plus élevé, pourquoi avoir cotisé au REER en premier lieu?

De toute façon, on fait certainement un bon coup en remboursant ses cartes de crédit à 19,9 %... et « presque » certainement un bon coup à 9,9 %.

Besoins de liquidités

Si vous avez un besoin de liquidités à court terme que vous ne pouvez combler avec vos ressources courantes, il est inutile de cotiser dans un REER au risque de devoir retirer votre cotisation plus tard et perdre des droits de cotisation inutilisés.

S’il s’agit d’une marge de crédit, il n’y a pas de contre-indication à la rembourser rapidement même si l’on doit l’utiliser dans un avenir rapproché.

Aversion à l’endettement

Même s’il s’agit d’un facteur qualitatif, ce devrait être le premier critère à considérer si vous n’aimez pas les dettes. Vous n’optimiserez peut-être pas votre situation mais vous dormirez tranquille avec vos décisions et c’est plus important, à mon avis, que de générer quelques dollars de plus.

Discipline

Une dette constitue un remboursement forcé, ce qui n’est pas le cas pour un REER. Si vous êtes indiscipliné, il est peut-être préférable de conserver une dette plutôt qu’une épargne facultative. Dans ce cas, si le taux d’intérêt de la dette est élevé, un refinancement sera de mise.

Et le taux d’imposition dans tout ça? Aucune importance... dans la mesure où ce taux est stable pendant la durée du prêt. Sinon, sauf dans le cas d’une carte de crédit à 20 %, il faut favoriser le REER si une baisse de taux est attendue – par exemple, un enfant qui atteint 18 ans – et l’inverse dans le cas contraire.

Attention, on parle ici de taux implicite, c’est-à-dire du « vrai » taux, tenant compte des crédits et transferts. Ce taux peut grimper jusqu’à 80 %...

En résumé, on peut appliquer la règle suivante :

  • Vous devriez d’abord payer vos dettes sauf celles où le taux d’intérêt est extraordinairement bas – généralement le « bon » crédit, c’est-à-dire un crédit ayant servi à l’acquisition d’actifs dont la valeur est sujette à augmentation. Aucune cotisation au REER pendant ce temps.
  • Dès que les dettes sont acquittées, remplacer le versement par une cotisation REER (ou une cotisation CELI pour les personnes se qualifiant au Supplément de revenu garanti). Ne pas oublier de diviser par (1 – TauxImpôt) pour transformer le remboursement de dette après impôt en une cotisation REER brute.

L’avantage de cette règle est qu’elle est généralement optimale. Lorsqu’elle ne l’est pas, elle n’est que très légèrement défavorable. Comme on ne connaît pas le futur, on devrait gager sur la situation qui l’emporte le plus souvent.

Une analyse détaillée de votre situation est cependant nécessaire si vous désirez augmenter la probabilité d’optimiser votre situation dans les cas où la décision ne va pas de soi...