RENDRE JUSTICE AUX FONDS DE TRAVAILLEURS

5 octobre 2011 :

Généralement, les conseillers recommandent à leurs clients d’investir dans ces fonds quelques années (de trois à cinq ans) avant la retraite. Quelques conseillers suggèrent une période plus longue et d’autres, enfin, les proscrivent catégoriquement.

Or, lorsqu’on oublie le « qu'en-dira-t-on » et qu’on s’attarde aux faits, on constate que ces fonds sont très avantageux.

L’explication est habituellement la suivante : « Ces fonds ne rapportent pas de rendement et ont un niveau de risque très élevé ». Aucun chiffre à l’appui, que du qualitatif. Je pense que l’explication est sans doute aussi la suivante : « Ces fonds ne rapportent pas de commissions aux conseillers ».

Parce que dans les faits, leur rendement n’est pas si faible que cela et le risque, pas si élevé. Je conviens qu’en l’absence du crédit d’impôt, les comparaisons pourraient être désavantageuses. Cependant, si l’on tient compte de l’impact fiscal, les REER réguliers font piètre figure à côté de ces fonds du point de vue mathématique, et ce, bien plus tôt que « quelques années avant la retraite ».

Le rendement annuel composé depuis la création du Fonds de solidarité FTQ, le 31 octobre 1984, est de 3,65 % au 31 mai 2011. Le rendement composé des cinq dernières années est de 1,77 %. De son côté, le Fondaction de la CSN a réalisé un rendement composé de - 1,76 % au cours des cinq dernières années. Au 31 mai 2011, la médiane des fonds équilibrés neutres était de 3,1 % sur 5 ans

Une analyse incomplète dirait ce qui suit :

Un individu qui a investi 5 000 $ il y a cinq ans dans un fonds équilibré moyen aurait un montant accumulé dans son REER de 366 $ de plus que dans le Fonds de solidarité et de 1 249 $ de plus que dans Fondaction. Le rendement des fonds de travailleurs est nettement inférieur et il n’est pas rentable d’investir dans ces instruments de placement.

Une analyse plus rigoureuse comparerait différentes cotisations d’après un MÊME COÛT APRÈS IMPÔT et dirait ce qui suit (pour un taux marginal d’imposition de 45,71 %) :

  • Un individu qui a contribué il y a cinq ans un montant après impôt de 500 $ dans un REER régulier aurait effectué une cotisation de 921 $.

  • Pour un même montant de 500 $ après impôt, la cotisation aurait été de 2 058 $ dans le Fonds de solidarité et de 3 499 $ dans Fondaction.

  • Aujourd’hui, ce montant aurait une valeur de 1 073 $ selon le rendement médian des fonds équilibrés neutres, par rapport à 2 247 $ pour le Fonds FTQ et à 3 202 $ pour Fondaction.

Cette analyse est même conservatrice pour les familles, car le taux d’imposition à utiliser dans la vraie vie n’est pas le taux marginal, mais bien le taux implicite (tenant compte des crédits d'impôt et transferts tels le soutien aux enfants). Ce taux grimpe facilement à des niveaux très élevés.

Par exemple, un contribuable qui gagne 40 000 $ par an, qui a deux enfants (de plus de cinq ans), et qui contribue 5 000 $ à son REER a un taux d’imposition implicite de 60,67 % en 2010 sur ces 5 000 $. S’il est à la tête d’une famille monoparentale, on ajoute 4 %. Si les enfants ont moins de six ans, on ajoute 3,59 % (2,46 % s’il s’agit d’une famille monoparentale).

Dans cet exemple, un investissement de 5 000 $ coûte, après impôt réel, 1 967 $ dans un REER régulier, 467 $ dans le Fonds de solidarité et... RIEN dans Fondaction ! Vous conviendrez avec moi qu’un REER régulier dans lequel on ne contribue rien doit générer un rendement assez élevé, merci, pour valoir 5 000 $...

Quant au Fonds de solidarité, même s’il faisait du surplace pendant 20 ans, il vaudrait tout de même plus que le REER équilibré, qui enregistre 7 % par an… alors que la différence de rendement en faveur du REER dans un fonds équilibré médian n’est que de l’ordre de 2,7 % par an depuis 1984.

Par ailleurs, en ce qui concerne le « risque », si l’on le mesure par la volatilité des rendements, le Fonds de solidarité obtient 8,63 %, Fondaction 7,91 % et un REER équilibré neutre, 11,81 %, en tenant compte des 31 mai des cinq dernières années (7,77 % en annualisant l’écart type mensuel). Quel risque ? D’où vient cette croyance selon laquelle ces fonds sont « risqués » ?

Voilà le genre de comparaison qu’il faut faire si l’on veut rendre justice aux fonds de travailleurs.